Tatouage : un bouleversement en Europe pour 2022 !

Publié le , par Julie
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Suite à une décision de l’Union européenne, la pratique du tatouage dans les pays membres va fortement être impactée dès 2022. Un nombre important des composants utilisés dans les encres actuelles va être sévèrement réglementé, voire interdit. Qu’est-ce qui va changer ? Quel avenir pour la profession ? Tour d’horizon.

Une réglementation qui remet en jeu les pratiques dans les salons de tatouage

Jusqu’à aujourd’hui, et pour quelques mois encore, un choix de couleurs alléchant est disponible pour les clients européens désirant se faire pigmenter la peau. N’importe qui a la possibilité de concevoir des projets un peu fous graphiquement et les professionnels du tatouage qui aiment s’amuser avec les dégradés et les contrastes peuvent laisser libre cours à leur imagination.

Mais cette ébullition créative, qui est une constante du métier, pourrait bientôt se voir dramatiquement freinée. En effet, en décembre 2020, un Règlement a été voté par la Commission européenne sur la base d’une étude de l’ECHA (Agence européenne des produits chimiques). Cette étude avance que les produits présents dans la composition des différentes encres utilisées par les tatoueurs sont pour certains toxiques, voire cancérigènes. Étant donné que pour dessiner le motif sur la peau, l’aiguille pénètre cette dernière, l’Agence en a conclu que les substances nocives contenues dans les encres se diffusent ensuite dans l’organisme du tatoué, avec des conséquences à long terme sur la santé.

Résultat concret de ce rapport et de ce nouveau règlement européen : début 2022, environ 4000 substances qui composent les encres colorées vont subir une baisse de leur seuil légal. D’autre part, 25 pigments vont purement et simplement être interdits. Mais ce n’est pas tout : en 2023, le vert et le bleu (Blue 15:3 et Green 7), deux pigments chers aux artistes qui s’expriment sur l’épiderme, vont disparaître également. Avec elles, c’est une importante palette de couleurs, de nuances et de dégradés qui va s’éteindre. Le SNAT (syndicat national des artistes tatoueurs) estime que ce sont 60 % des gammes de couleurs qui vont dorénavant devenir inutilisables. Devant des conséquences aussi contraignantes, voire désastreuses, la profession des tatoueurs perceurs retient son souffle et souhaite un allégement conséquent de ce nouveau règlement.

Une décision contestée par tous les professionnels

En effet, la levée de boucliers est unanime et traverse les disciplines. Bien sûr, puisqu’ils sont en première ligne, les salons de tatouage font entendre leur voix pour dénoncer cette décision qu’ils estiment injuste. Mais d’autres acteurs, plus ou moins liés au milieu du tatouage, sont présents également. Ainsi, les fabricants, les chimistes et les analystes sont tous d’accord pour conclure que l’étude de l’ECHA (et le règlement européen qui en a découlé) est fondée sur des bases fragiles et incomplètes. Tout le monde s’accorde également à dire que les seuils imposés pour les substances qui composent les encres sont beaucoup trop bas et irréalistes.

La légitimité du rapport de l’ECHA est globalement remise en question. L’étude a été faite sur un nombre trop peu représentatif de produits et les conclusions qui en ont été tirées ne prennent pas du tout en compte les conditions spécifiques d’une séance de tatouage. Le métier a légèrement grincé des dents lorsqu’il a appris que les restrictions ont été décidées sur la base, non pas d’études faites sur des tatouages… mais sur des pigments présents dans des cosmétiques et des teintures pour cheveux, dont certaines ne sont plus commercialisées depuis les années 60 !

Le mode opératoire de l’Union européenne agace, tandis que les conséquences pour la profession inquiètent. On commence à redouter de voir fleurir, dès 2022, une pratique déviante du métier. Le nombre de tatoueurs clandestins (utilisant dorénavant des pigments interdits) pourrait exploser et constituer une concurrence déloyale pour les professionnels déclarés. Plus aberrant encore, il est tout à fait possible que les fabricants indiquent sur certains pigments une mention « non destiné au tatouage ». Cette mention ne tromperait personne et les pigments interdits continueraient ainsi à être disponibles pour les salons désireux d’enfreindre la loi, mais cette fois sans plus aucun contrôle de leur potentielle toxicité sur le client.

Même sans parler de boutiques clandestines et hors-la-loi, cette nouvelle réglementation pourrait pousser les gens désireux de se faire tatouer à faire le déplacement vers des pays non membres de l’Union européenne. L’Angleterre, par exemple, pourra continuer à proposer des motifs hautement colorés tandis que les tatoueurs français devront réfréner leur créativité : les clients risquent de choisir un tatouage fait Outre-Manche qui correspondra, lui, à la totalité de leurs attentes esthétiques.

Quel est l’avenir du tatouage européen ?

En France et en Europe, la profession des artistes tatoueurs tente d’encaisser le coup, mais également de trouver des stratégies. Tout d’abord, est-il possible de s’adapter ? Oui et non. Pour le bleu et le vert, par exemple, il sera possible de retrouver, en mélangeant les pigments autorisés, des teintes approchantes. Mais le résultat risque d’être hasardeux et de ne pas être à la hauteur des attentes des clients. Il est possible également de remplacer les pigments manquants par des équivalents provenant d’autres sources… mais pour un prix beaucoup plus élevé, ce qui fait là encore craindre une fuite de la clientèle vers des salons de tatouage implantés hors Europe. Tout le monde dans le milieu étudie les alternatives, mais, pour l’instant, peu de solutions satisfaisantes sont envisagées à court ou long terme.

Reste la contestation. Et sur ce point, le métier s’est organisé. Le SNAT a mis une pétition en ligne, directement sur le site du Parlement européen. Artistes, chimistes, fabricants… tout le monde a également à cœur de souligner dans les médias le caractère inconsistant et précipité de la décision de l’Europe sur les encres de tatouage. Alors, quelle sera la réalité de demain sur la pratique de la profession de tatoueur ? Beaucoup comptent sur le fait que ce nouveau règlement, une fois qu’il sera mis en application, révèle toutes ses failles. Il sera alors évident pour tous que, sur le terrain, il est inadapté et même contre-productif, mettant en danger tout un secteur de l’économie. Pour en arriver là, il faudra malheureusement patienter deux ou trois ans, le temps que l’inefficacité de la mesure soit suffisamment criante aux yeux des institutions.